Rilke

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vendredi 10 avril 2015

Sur unidivers, par Laurence Biava : Envole-toi Octobre : journal intime d'une Virginie Troussier obstinée

Second roman de Virginie Troussier Envole-toi Octobre est paru en octobre 2014. Prolongement du premier, Folle d’Absinthe publié deux ans plus tôt, on y retrouve – c’est bon signe ! – les mêmes obsessions (temps, spatialité, effusions tangibles et sensations d’absolu). Envole-toi Octobre est toutefois plus abouti. Plus rude et sensible aussi. En somme, réussi car mature.



Après Septembre, nous attendons toujours une fin, en observant précisément les oscillations de notre cœur. Nous regardons les oiseaux qui volent si bas, dévorer ce qu’ils peuvent comme si la plus grande des guerres leur pendait au cou ou comme si, au contraire, il était urgent de vivre, le plus délicieux, le plus vite possible avant de fuir ailleurs. C’est bâtard et troublant d’être né en automne. Entre le soleil et la pluie, souffrir et se réjouir de la fragilité du temps, ne pas réussir à compter sur ses doigts les heures qui séparent marée haute de marée basse, tenir au monde par un scotch usé.


virginie troussier envole-toi octobreEnvole-toi Octobre est un texte intime. Un journal très intime où l’ombre mélancolique d’un « je » obstiné n’ose pas se dévoiler. Pas d’autobiographie franche, mais une composition d’ensemble (un patchwork ? un kaléidoscope ?) où  l’auteur, Virginie éprouve du mal à se dissimuler derrière Suzanne, son personnage écorché vif. Cette impression éclate dès les premières pages.

Suzanne se livre tout au long du récit à une sorte de quête initiatique. Un retour sur soi ardu. Ses souvenirs la dévastent, ses doutes la submergent, ses rencontres amoureuses parviendront néanmoins à la renforcer. En dépit de quelques échecs et d’un lourd passé qui lui revient comme un boomerang – oppressant…
Et le lecteur se laisse happer par le rythme de ce récit bavard au style élégant ; chaque mot y dépeint sa juste place. Défilent des séries d’images qui révèlent des parts intimes de chacun : origines, fins, fuite du temps, insaisissable de nos vies, pensées fugaces. Et la rigueur ténue, cette exigence d’écriture et de narration exacte, enchantent. De fait, les descriptions sont précises et traversées par ce qu’il faut de lueurs, de grâce et de volonté, y compris quand le personnage de Suzanne déborde de toutes les humeurs.
Virginie Troussier
Virginie Troussier est né en 1985 ; elle a publié Folle d’absinthe et Envole-toi Octobre
Envole-toi Octobre est un livre intelligent où l’on croise Spinoza, Artaud et Epictète à la faveur de quelques digressions artistiques et d’un foisonnement d’âmes humaines. Avec eux, Suzanne hurle, se brise, aspire la vie à pleins poumons. Mais aussi s’abandonne à l’amour fou jusqu’à se perdre elle-même. Le lecteur, lui, ne la lâche jamais…
Roman passionné de beauté et de souffrance. Parce qu’il somme de se souvenir du passé, d’honorer la mémoire de ses pairs, des anciens. On soulignera la réussite des pages consacrées à la mémoire intrusive, presque obsessionnelles.
Dans Envole-toi Octobre Virginie Troussier invite le lecteur à faire corps avec son héroïne. Sorte d’osmose avec les rythmes de Suzanne ; avec ses mouvements, ses frasques, ses murmures, ses émotions. Un roman empli d’une singulière rage de vivre.
I – Géologies – Tempêtes
Certaines montagnes sont angulaires et tout ce que vous ferez pour les lisser d’un bras, ne sera qu’échec et fatigue. Certaines montagnes sont faites, c’est l’histoire, pour couper les poignets, blesser les genoux, faire fumer les poumons, plier les chevilles. Certaines montagnes n’accepteront jamais que vous parveniez en haut. C’est une vielle fierté de la roche, c’est con comme un homme, mais c’est ainsi. Cette montagne-là, s’est laissée patiner, amadouer, foutre en l’air par le vent et les sources. Elle est ronde, c’est un ventre tendu. Vous y allez comme pas deux, fragile cordée d’estime, vous passez là où personne n’est plus venu. Vous chatouillez l’idée d’être plus fort qu’un autre. Vous vous donnez du mal et suez de votre eau.
Une fois là-haut, vous surplombez une moquette d’arbres, de mousses, de lichens, votre tête cogne du vin cuvé d’hier. Des écorces de bouleaux à s’en faire tourner le crâne. Vous vous asseyez pour souffler et la roche ronde est trompeuse. En montagne, on se baisse pour tutoyer les nuages. Et vous vous approchez de la falaise pour pisser dans le vent, vous penchez aussi, jusqu’à l’éblouissement. Aujourd’hui, plus qu’à l’habitude, vous choisissez votre décor. Il y a de l’eau de ciel, des arbres flous plantés la tête en bas, et un gouffre où pleut l’idée, la seule idée d’un dieu guerrier.La nudité de la vie quand on est la proie d’une mélancolie de montagne.J’y suis arrivée. Je suis au sommet.
Je viens d’atteindre le pic du Grand Roi, ma montagne favorite depuis toujours. Tous les hivers de mon enfance, je les ai passés avec mes parents, leurs bandes d’amis et leurs marmots à la Morte. Quand on a l’impression d’étouffer chez soi, c’est drôle de passer ses vacances à La Morte. Sur ce sommet, j’ai appris à skier. J’ai skié, parfois très loin, pour le plaisir de la sensation d’abandon qui vous prend quand les remontées mécaniques s’éloignent et que l’on se sait porté par des mètres et des mètres de poudreuse. Ça ne vous le fait pas ? Porté par du rien, quand le jour tombe, la neige se fait sombre, brillante et les étreintes sont belles. Ce sommet m’émeut jusqu’aux larmes. Quand le soleil s’y couche, mon coeur se pince. Une journée vient de s’y finir et elle ne reviendra pas. Quand je suis loin du sommet, mes yeux ont soif. Sur la route qui y mène, je le guette, à droite, et quand il apparaît soudain à travers les arbres, que je devine son pic qui étincelle sous les rayons du soleil, je sens mon coeur battre à tout rompre et un frisson me parcourir l’échiné. Je sais que je vais être bien. J’en repars toujours gonflée à bloc, après trois semaines en pleine nature. J’ai grandi sur ces cimes. Si l’écoulement des jours pouvait ressembler au plus petit torrent. Cela fait plusieurs années maintenant que j’oublie la montagne à force de ne pas y être, elle devient une buée idéale, lumineuse et lointaine, où je me réfugie lorsque le réel, à Paris, est trop gris. (…)

Virginie Troussier Envole-toi Octobre, Editions Myriapode, octobre 2014, 21 euros


jeudi 19 mars 2015

Critique d'Envole-toi Octobre des Carnets d'Eimelle - Lectures, spectacles.

C'est toujours un plaisir de découvrir un auteur, et je suis ravie de cette nouvelle "rencontre", merci  Virginie Troussier !

Ce texte, quasi philosophique par instant, est une longue introspection .
Il nous plonge dans les angoisses et les interrogations de Suzanne, tant de questions qui ne peuvent que trouver des échos en bon nombre d'entre nous . La mémoire, les souvenirs, entre nostalgie et quête de soi, il nous faut la suivre dans ses hésitations et ses errances. 

Mélancolie. Quête de liberté. Secrets de famille - poids du père - omniprésence de la mort - désir de perfection. Peur de décevoir. Quête de l'amour. Dépendance. Les phrases qui brisent plus que les coups. Réussir pour être aimée. S'aimer déjà soi-même. Repousser les limites. Mettre le corps en danger.

Un long chemin escarpé, comme une course en montagne par mauvais temps, emprunté par l'héroïne pour retrouver pleinement le goût de la vie et le goût de soi,  puis celui des autres.

Entre citations littéraires (de Spinoza à Nietzsche et Épictète ) et ambiance musicale (de Bach aux Beatles), entre montagne, sommet,  avalanche, crevasse et vie parisienne, le texte flirte parfois avec la poésie (le style déroute un peu parfois, en phase avec l'état d'esprit du personnage) , il nécessite de prendre le temps de le lire mot après mot pour mieux l'apprécier. 

http://lecture-spectacle.blogspot.fr/2015/03/envole-toi-octobre-de-virginie-troussier.html

mercredi 28 janvier 2015

Interview sur l'écriture et la vie pour la lectrice.fr


En octobre dernier, est paru le deuxième roman de Virginie Troussier, Envole-toi Octobre (Myriapode). A cette occasion, cette jeune écrivain, d'une sensibilité extrêmement attachante, a accepté de répondre à quelques questions sur son roman,  sur son écriture.
Une rencontre d'un bel équilibre, portée à la fois par l'émotion, la fragilité, une intense lucidité et une finesse d'esprit saisissante, troublante et même intimidante parfois. Lisez plutôt !



Vous n'avez pas encore 30 ans et publiez aujourd'hui votre 2ème roman. Que raconte-t-il en quelques mots ?
Envole-toi Octobre est un livre sur la mélancolie. Il raconte l’histoire d'une jeune fille de trente ans, elle est perdue d’absolu et souhaite, pour vivre pleinement, transformer ses souvenirs armes à feux en champs de coton. Le récit tente de déce­ler la beauté convulsive de destins ­funestes, des fantômes qui peuplent une existence et sonde la liberté intérieure face au manque, au vide, qui peut devenir gain. C'est une sorte de roman initiatique, l'histoire d'un passage de vie, d'une transformation, et une réponse à la question : que doit-on faire couler dans nos veines pour que cela circule ? L’histoire s’accompagne d’un mouvement en filigrane: passer de l’image que l’on a de soi à ce que l’on est vraiment, et devoir faire avec. Se demander comment on va faire avec.
Peut-on dire que c'est un roman d'autofiction, un roman personnel ?
J’écris à partir de bribes d’émotions, de sensations que j’ai vécues et que je vais découper, placer dans une situation loin de moi. A partir de là, quelque chose va se créer. Il peut y avoir des éléments tangibles, existants, qui vont se retrouver dans le texte, mais, en fait, qu’importent les murs, le cadre, ce qui est dit ou n’est pas dit, l’essentiel est dans ce que je fais de ces émotions. J’agis sous perfusion : ce que je vois, ce que je vis, va nourrir le texte au compte-goutte.
Envole-toi, Octobre, parle de révolte, de solitude, de mélancolie, du passage de l'adolescence au monde adulte. Pensez-vous qu'à travers Suzanne, la narratrice, se manifestent les grands tourments de la jeunesse actuelle ?
Je dirais plutôt que ces tourments sont ceux des romantiques…qui vivent aujourd’hui dans une époque plutôt nihiliste. 
Qu'attendez-vous de la vie ? Quels sont vos instants préférés ?
Certainement des moments pleins, vrais, sans façades. En tout cas, des moments qui sonnent juste. Je fuis les jeux de rôle, les masques, les convenances, et les mensonges. Ce n’est pas évident de se sentir bien tous les jours. J’ai longtemps cherché à analyser tout ce qui m’entourait (et je continue à le faire), mais aujourd’hui, je pense que le bonheur, la grâce se trouve davantage dans la contemplation que dans l’analyse. Je viens de terminer un roman d’Alexandre Lacroix (j’ai lu tous ses livres, j’aime beaucoup d’ailleurs son aventure littéraire sans compromis), qui s’intitule Comment vivre lorsqu’on ne croit en rien ? Il raconte avoir trouvé la meilleure définition du bonheur dans un livre de Nicolas Bouvier, L’usage du monde : Adossé contre une colline, on regarde les étoiles, les mouvements vagues de la terre qui s’en va vers le Caucase, les yeux phosphorescents des renards. Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l’aube se lève, s’étend, les cailles et les perdrix s’en mêlent…et on s’empresse de couler cet instant souverain comme un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le chercher un jour. On s’étire, on fait quelques pas, pesant moins d’un kilo, et le mot « bonheur » parait bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive.
Alors mes instants préférés sont sur un bateau, qui se penche à l’horizontale pour prendre de la vitesse, au sommet d’un pic, à ski, surplombant une mer de nuage, dans les rues de Paris, quand les appartement allumés laissent apparaitre les poutres apparentes et les vies imaginées, avec des amis autour d’un verre, pour se confier des paroles personnelles, qui résonnent, au cinéma, engloutie entièrement dans un film, ou en concert, transportée au point d’oublier mon corps, et à la fois le sentir vibrer, ressentir, aimer, bouger, vivre, j’aime ces dualités d’émotions qui viennent s’entrechoquer, dans mon lit, sur mon canapé, position allongée, une pile de livres à côté. Je peux rester très longtemps allongée, sans sortir. Je ne sais pas si c’est grave.
En découvrant Mommy du cinéaste Xavier Dolan (actuellement en salle), je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Suzanne. Un véritable choc, une émotion forte et perturbante ; comme votre livre. Avez-vous vu ce film ? Y trouvez-vous quelques ressemblances, notamment dans la grâce et l'esthétisme à filmer des êtres fragiles, assez comparables, selon moi, à votre manière d'écrire ?
Oui, j’ai vu ce film. J’admire ce que fait Xavier Dolan. Son mode d’expression est l’intraveineuse, croiser le chemin de ses œuvres intransigeantes marque profondément. Le corps a toujours été la grande affaire de cet artiste à vif, poussant à son extrême l’adage selon lequel il faut réconcilier l’intérieur et l’extérieur. Le corps supplie et se plie. Au bord de l’extinction, mais toujours éclatant de vie. C’est peut-être en ça que je me sens proche de lui. Je m'intéresse beaucoup aux gens, aux personnes et personnages qui sont engagés dans un projet de transformation de soi. Et puis, l’un des moteurs de l’écriture consiste à confronter la part éduquée, civilisée de l’être humain à sa part de sauvagerie. Montrer comment les êtres négocient avec la violence, avec les lois, avec la mort. En ça, je me sens proche de lui.
En effet, votre écriture est intensément poétique, ultra-sensible, à fleur de peau et rend compte avec émotion et au plus juste de toutes les sensations humaines. Comment vous-y-prenez-vous pour atteindre une telle fusion ? Est-ce un travail d'écriture difficile ?
J’ai une confiance excessive dans la parole, dans les mots. Parfois, je suis stupéfaite d’y croire encore, parce qu’elle m’a joué quand même bien des tours ! Mais c’est plus fort que moi. C’est pire qu’un acte de foi, c’est spontané. Alors que je sais bien que ce n'est pas toujours rationnel... Si je suis face à quelqu'un qui ne croit pas en la puissance de la parole, ça me fait violence. Il y a, dans la vie, comme une nécessité d’user des mots. C’est comme s’il y avait un révélateur, au sens photographique, d’une part d’indicible. Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, d’autres ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d'autres des notes de violon. Je le sais tellement que je vis à travers les mots. Tout ce que je vis, je ressens, je le mets en mots directement. Si je ne parviens pas à décrire précisément ce que je ressens, il y a comme un échec dans l’émotion. La fusion est instinctive et instantanée. Tout passe par la parole, ce qui n’est pas toujours facile pour mon entourage, je demande des paroles, des explications, encore et toujours !
Il y a au-dessus de mon bureau quelques lignes du Manifeste du Surréalisme, d’André Breton : Chaque page doit exploser, soit par le sérieux profond et lourd, le tourbillon, le vertige, le nouveau, l’éternel, par la blague écrasante, par l’enthousiasme des principes ou par la façon d’être imprimée. J’essaie de ne pas trop m’éloigner de cela.
Votre héroïne est originaire des Alpes et lorsque vous décrivez la montagne, le lecteur n'a qu'une envie : s'y rendre. D'où vous vient cette précision, ce sens du détail du milieu montagnard  et de la technique du ski alpin ?
Comme mon héroïne Suzanne, je suis originaire des Alpes. J’ai grandi dans les montagnes et je reste très attachée à cette région. Je suis toujours étonnée, admirative devant ces paysages vertigineux, effrayants parfois. La montagne me passionne car derrière sa solidité apparente, elle est imprévisible. Il y a tant à dire. Pour la technique du ski alpin, j’ai commencé le ski à l’âge de trois ans, mon père, mon grand-père sont des skieurs passionnés, j’ai fait beaucoup de compétition, et j’ai également été monitrice de ski.
Qu'attendez-vous de la littérature ? Pensez-vous, comme Suzanne, qu'il n'y a qu'en littérature qu'on dit les choses ? Qu'on ose ?
Oui, la littérature permet de dire l’indicible et de montrer des corps disloqués, des lubies étranges, on peut tout dire, c’est un lieu de liberté intense et totale. La vérité n’est jamais entière, mais c'est une sorte d'asymptote, on s'approche d'une certaine vérité, on sait qu'on n'y arrivera pas, mais on continue. Quel que soit l'objet sur lequel se fixe son esprit, c'est l'écriture seule qui lui permet de réfléchir, lui ouvre l'accès à l'élaboration d'une pensée. Ce qu’il y a également d’intéressant dans les romans c’est l’écart que l’on raconte entre le savoir, le contrôle, le recul, et la vie, qui échappe le plus souvent à toute théorie. La littérature nous ouvre aussi des portes. C’est comme si l’on découvrait qu’il y avait de nouvelles entrées dans son appartement, avec de nouvelles pièces. Et puis, c’est aussi une façon de se tenir, de se situer dans le monde. Un encouragement à tenir bon.
Que faîtes-vous lorsque vous n'écrivez pas ?
Je lis beaucoup, je vais au cinéma plusieurs fois par semaine, j’écoute la radio avant de m’endormir, et des podcasts la journée, je m’évade à la mer ou la montagne dès que je peux, souvent pour faire du sport, je vois aussi mes amis, je parle avec eux en prenant des verres dans les bistrots, et puis j’ai un travail qui m’oblige à me lever tôt tous les matins pour lire la presse.
Comment est née votre envie d'écrire ?
Je ne sais plus, cela fait si longtemps. C’était très naturel. Sûrement ce besoin de sentir davantage ce que je ressentais, d’accomplir ma pensée plutôt que la traduire.
Comment écrivez-vous ?
J’ai besoin d’avoir de longues heures devant moi, d’un temps illimité. Alors j’écris le plus souvent en début de soirée, ça se prolonge aussi loin que je peux, et souvent les week-ends, je m’enferme, je pose des sacs de sable derrière la porte, je ne réponds plus au téléphone, j’essaie de rester concentrée, même si je rêvasse beaucoup. Je prends aussi des notes dans la journée, en écoutant la radio, en marchant dans Paris, pour plus tard.
Quels auteurs vous inspirent ? Qu'aimez-vous lire ?
J’aime l’écriture intimiste, celle qui me dérange, me bouleverse, me touche profondément, celle qui ne fait pas semblant, qui vient me chercher. J’aime aussi ceux qui me font réfléchir, m’apportent des connaissances nouvelles. J’aime les belles plumes, les styles particuliers. Je lis la littérature contemporaine, les livres de mes amis écrivains…Si je devais citer des noms ce serait Marc Villemain, Alexandre Lacroix, Erwan Larher, Nicolas d’Estienne d’Orves, Serge Joncour, Céline Curiol, dans les classiques, j’aime Camus, Conrad, Georges Perros, Sagan, Annie Ernaux, j’aime aussi les récits de mer, la philosophie et la poésie.
Avez-vous d'autres projets d'écriture ? Souhaitez-vous en dire quelques mots ?
Oui,  le sujet de mon troisième roman prend de plus en plus forme en moi. Je vais le commencer d’ici peu. Ce n’est pas très mûr encore pour la lumière du jour. Je me sentais comme vidée après mes deux romans, je pensais que je ne pouvais plus écrire, que j’avais tout dit, ou alors qu’il me fallait vivre maintenant, mais en fait, il y a toujours une flamme qui s’affole en nous.
Que souhaiteriez-vous dire à vos prochains lecteurs ?
La folie fait souvent bon ménage avec la littérature. Dans les cervelles affolées nait souvent une langue créative piquée d’essentiel que l’écriture peut capter à des fins qui font du bien. Alors, il ne faut jamais la craindre. J'aime l'incandescence des mots, que les livres soient des brasiers. J'ai écrit mon roman Envole-toi Octobre presque dans un état de combustion. Pour écrire, il faut s’autoriser à être la personne que l’on ne veut pas être. Il ne faut pas craindre l’impudeur. Il faut accepter qu’un roman nous change parfois. Si le lecteur sait cela, alors tout va bien, il peut foncer.
Retrouvez le site le lalectrice.fr : http://lalectrice.fr/interview-virginie-troussier.html

samedi 27 décembre 2014

Très bel article de Marc Villemain pour Envole-toi Octobre

samedi 13 décembre 2014

Virginie Troussier - Envole-toi Octobre



Virginie Troussier - Envole-toi Octobre
À bien des égards, l'on pourrait considérer Envole-toi Octobre, le nouveau texte de Virginie Troussier, comme la suite, ou plutôt l'extension, de Folle d'Absinthe, paru il y a deux ans : mêmes leitmotivs, mêmes obsessions du temps, de la mort, de l'amour fou, du souvenir et des absolus. Qu'est-ce qui, alors, fait qu'Envole-toi Octobre se révèle infiniment plus dur, âpre et touchant ?
Passé l'expérience (toujours très singulière, parfois éprouvante) de la première publication, Virginie Troussier a, de toute évidence, beaucoup travaillé. On le constate dès les quelques pages d'ouverture, relues deux fois à la suite tant elles ont, et puissamment, réussi à m'arracher à la terrasse de bar où je me trouvais à les lire, et à me propulser aux côtés de Suzanne, la narratrice, au sommet de ces montagnes dont on sait par ailleurs qu'elles sont une des plus fortes passions de l'auteure (monitrice de ski dans le civil en plus d'être critique littéraire). J'ai su, donc, dès ces premières pages, que ce que j'allais lire là ne s'était pas autorisé la moindre concession, et que Troussier était bien décidée à nous écorcher. Ce qui, mais cela va sans dire, l'a probablement conduite à s'écorcher elle-même ; cela aussi, on le sent, et vivement, au point qu'il est tout de même difficile, en refermant le livre, d'en parler comme d'un "roman" : le "je" de Virginie Troussier est un je qui l'engage presque entièrement. On lui fera volontiers grâce de quelques inventions, raccords et autres mises en scène, nécessaires à la composition d'ensemble, mais c'est peu dire que Virginie, l'auteur, éprouve du mal à se dissimuler derrière Suzanne, le personnage. C'est, bien sûr, ce qui donne à ce texte, très intime, son ombre incessante et palpitante de mélancolie. Aussi bien, il s'agit là d'une écriture étrangement sèche et humide : ce qu'il y a de sec, c'est cette sorte de volonté, très forte, très intransigeante, non seulement de passer la vie au tamis de la littérature, mais de la mettre tout entière à l'épreuve même de l'écriture. D'où cette prose très précise dans son intention, très attachée à la justesse de ce qu'elle veut écrire ou décrire, et tout à la fois traversée de flottements, de méandres : il faut à Virginie Troussier plusieurs adjectifs pour tenter d'approcher au plus près des choses, il lui faut revenir, repréciser, ressasser, pour être bien certaine d'avoir capté ce qui vibrait (c'est d'ailleurs la réserve que j'émettrai, à savoir que la seule chose qui ait peut-être manqué à ce texte, c'est d'un éditeur un peu consciencieux, qui sache convaincre l'auteur de sabrer, de retrancher : la sensation du coup de poing eut été plus vive encore.) Humide, aussi, disais-je, car le personnage de Suzanne déborde de toutes les humeurs possibles : il y a des larmes, des cris, des souffrances, des solitudes, des soliloques, des dépressions, de la pulsion, de l'hystérie, de l'automutilation, de la colère et du mal-être - il y a du coeur : trop de coeur, même, et c'est bien ce qui fait exploser Suzanne, aimant et dévorant la vie au point de ne plus savoir vivre.
Tout aussi "symptomatique" me semble être la beauté profonde (et, ici, pleine de tendresse) des pages consacrées au père, et plus encore au grand-père - à ce qui vieillit, en somme. Suzanne voit en ces hommes durs, exigeants, farouchement individualistes, l'exemple à suivre. C'est parce qu'on est dur et exigeant envers soi-même, c'est parce qu'on ne se plaint pas, jamais, de rien, parce qu'on a conscience qu'il faut "brûler pour briller", parce qu'il faut accepter que l'amour soit "une lutte dans la boue et l'or", que l'on vivra, que l'on saura vivre, que l'on méritera du mieux que l'on peut de la vie et de ses trésors. Alors Suzanne aimera tout de la vie, mais à la condition de pouvoir y mettre le feu - ce qui, peut-être, explique ce goût de cendres qu'elle ne parvient jamais à recracher tout à fait. Elle se demande d'où elle vient, de quelle génération, de quel héritage, elle se demande ce qui l'a fait telle qu'elle est - et le regard du grand-père n'est jamais bien loin. "C'est à cela que sert la quête d'origine : elle nous aide à reconnaître ce qui nous a faits tels que la mort nous trouvera", écrit Virginie Troussier, dont on s'étonne en passant, que, si jeune encore, elle s'acharne à vouloir exhausser autant de souvenirs et de sensations. Car le malheur de Suzanne est le malheur de ceux qui ont, non pas trop de passé, mais déjà trop de mémoire. Cette mémoire qui entretient et décuple un romantisme qui confine au mysticisme, un romantisme dont elle ne fait que subir la puissance intrusive, l'envahissement, pour ainsi dire, totalitaire. Mais elle est jeune encore, elle a trente ans - l'âge de l'auteure -, alors, bien sûr, à la fin, on veut bien consentir à un dernier effort, et essayer d'y croire encore. Et puis après, ma foi... "Après on s'éteindra doucement. Les gens, ils prennent tout leur temps pour s'éteindre. Les gens s'éteignent. Ce n'est pas inutile de commencer par brûler."

Interview sur Le Mouv'

http://www.lemouv.fr/diffusion-virginie-troussier

Virginie Troussier
Après septembre, nous attendons toujours une fin, en observant précisément les oscillations de notre coeur.

Résumé: Après septembre, nous attendons toujours une fin, en observant précisément les oscillations de notre coeur. Nous regardons les oiseaux qui volent si bas, dévorer ce qu'ils peuvent comme si la plus grande des guerres leur pendait au cou, ou comme si, au contraire, il était urgent de vivre le plus délicieux, le plus vite possible avant de fuir ailleurs. Entre le soleil et la pluie, souffrir et se réjouir de la fragilité du temps, ne pas réussir à compter sur ses doigts les heures qui séparent marée haute de marée basse, tenir au monde par un scotch usé. On peut abriter une saison sous son col, sous sa peau, ses ongles, son oreiller, comme une dent par la fenêtre de l'enfance...L'automne sème des grenades entre les dents et nous les dégoupillons avec la bouche...
                                            Couverture "Envole-toi octobre", éditions Myriapode

Envole-toi octobre est le récit d'une héroïne dont la mélancolie cacha une indécente adoration pour la vie. Que doit-on faire couler dans nos veines pour que cela circule ?...

Envole-toi Octobre : le coup de coeur des Facéties de Lucie

"Envole-toi Octobre" de Virginie Troussier

envole toi octobre 
Le 1er roman de Virginie Troussier "Folle d'absinthe"  je l'avais follement aimé au point de le lire deux fois de suite. 
Prune, l'écorchée vive qui remâchait ses souvenirs se serait parfaitement entendue avec Suzanne la narratrice mélancolique de ce 2ème roman de Virginie Troussier. 
On la dit folle. Je la trouve seulement hypersensible, traversée en permanence par une multitude d'émotions qui la bousculent au point qu'elle semble perdre la raison. 
Pourtant. Si elle paraît au bord du gouffre, elle a en elle une féroce envie de vivre. Elle cherche l'équation qui fait battre le coeur plus fort. Tout est plus intense chez Suzanne, la tristesse comme la joie. Elle étire chaque émotion au maximum et s'en revêt. 
Elle archive aussi, Suzanne. Des milliers de souvenirs qui saturent sa mémoire et la fragilisent. Elle se dope à l'amour mais ça ne fait que l'affaiblir un peu plus. Elle est poreuse Suzanne. Une véritable éponge. 
Les hommes qu'elle rencontre et les livres qu'elle lit, tout concourt à la faire avancer sur un chemin baigné de la lumière donné par un soleil qui finit toujours par percer les nuages. 
J'ai noté des dizaines de phrases dans un petit carnet. Virginie Troussier enfile les mots comme d'autres les perles sur un fil barbelé qui laisse des marques sur ses lecteurs. 
En lisant ce roman, je me suis laissée envahir par une douce mélancolie, j'ai ouvert quelques cartons de souvenirs et je me suis demandée avec Suzanne comment éviter que nos émotions nous dévorent, comment être moins perméable aux autres et comment savoir qui nous sommes, comment les réseaux sociaux modifient nos relations et comment le zapping relationnel altère la valeur de l'amour.  
Et en le refermant, j'ai eu envie de lire Sylvia Plath, je me suis dit que j'étais heureuse de la densité que je donne à ma vie intérieure et de la lumière que j'arrive à percevoir en toute chose.
Je me suis demandée si moi non plus je n'étais pas folle.
C'est un COUP DE COEUR. Foncez l'acheter, lisez le d'un trait. 
Des extraits parmi tant ...
"Les femmes folles ont une chute de reins profondément marquée parce qu'un torrent d'émotions transperce leur ventre et érode leur taille." page 124
"Je sais que certains esprits voient dans l'introspection du narcissisme. Ils ne saisissent pas l'expression "vie intérieure" . Page 131
"Une femme amoureuse c'est terrible. Tu peux tout obtenir d'elle, tu peux la mettre sur le flanc, tu peux la faire ramper, elle peut te lécher les pieds." Page 197
"Les mots d'amour. Ils font faire de ces choses" page 199
"La colère est la sécrétion des faibles peaux. Ce sont des mots d'amour à l'envers, une émotion à haute voix, un pas de travers". 229
"Pourquoi fou ? Qui l'a décidé ? Où se situe le curseur de la raison ?" 258
"Oui, nous pouvons changer, comprendre, mais il faut le vouloir et s'aventurer. La mélancolie peut devenir positive, et c'est ce chemin que nous allons prendre". 53
Le billet de Séverine qui a visiblement aimé la "plume embrasée" (embrassée ?! parce qu'elle enflamme autant qu'elle enlace...) de Virginie !
Merci Virginie pour la si jolie dédicace ! Touchée !

Critique Envole-toi Octobre sur Romans sur Canapé

Dès les premières lignes, j’ai ressenti une véritable force qui se dégageait des mots que je lisais. On sent que Virginie Troussier maîtrise parfaitement la langue française. Ses phrases sont riches et pleines de sens. Envole-toi Octobre n’est pas un roman conventionnel avec un début, une fin et de l’action entre deux. Ici, il faut s’attendre à une héroïne entre deux âges, perdue dans sa vie. Nous la suivons dans ses réflexions sur son vécu, assistons à ses colères et à sa rage de vivre qui rejaillit malgré tout.
Ce roman est assurément fort et captivant. J’ai aimé l’introspection de Suzanne à laquelle je me suis identifiée sur certains points. J’ai eu l’impression de vivre son histoire. Au final, c’est un titre que je suis heureuse d’avoir lu et que je relirai avec plaisir.

http://romansurcanape.fr/envole-toi-octobre-virginie-troussier/